West Coast Jazz

« La West Coast, qu’est-ce que c’est ? » Faisant sienne l’interrogation de Lee Konitz ( westcoaster de courte durée chez Stan Kenton), Alain Tercinet, dans ce tout premier ouvrage consacré au sujet, resitue et analyse un mouvement à la réalité complexe, mouvante, foncièrement irréductible au localisme en raison de l’origine de ses principaux acteurs (et aussi de ses connivences avec d’autres développements de l’après-bop aux Etats-Unis comme de son poids sur certaines expériences européennes) mais usant, sur les quelque dix ans de son rayonnement, de l’ accident de sa situation pour produire des musiques prêtes à toutes les audaces ; des oeuvres qui reposent, dans la désinvolture des meilleures certitudes techniques, la question primordiale du jazz — celle de son hétérogénéité, d’un impur constitutif que la West Coast a traité aux couleurs de combinaisons instrumentales « monstrueuses », d’un retour éperdu à l’écriture palliant l’orthodoxie bop, contournant son raidissement, lui proposant une alternative sans doute des plus charnelles.
De ce jazz de rigueur et d’abandon, West Coast Jazz dresse la carte, fait l’inventaire des différences, débrouille les paternités, voisinages et descendances, ne sacrifiant à aucune imagerie, montrant que la Côte Ouest américaine n’est justiciable ni d’une voie de garage quelque peu byzantine, ni d’une manière de gimmick postromantique mais a fomenté un superbe refus des conventions, se moquant de l’acquis immédiat pour débusquer ses vraies conditions de liberté. C’est de la sorte que la West Coast nous enseigne aujourd’hui encore : à l’attention, qui est l’autre nom de l’élégance.